Intelligence artificielle : un domaine qui n’est pas traité avec sérieux ?

Point de situation IA du 21/05/2024

Alors qu’OpenAI et Google ont tous deux fait état de leurs principales avancées en termes d’intelligence artificielle la semaine passée lors de deux événements publics, il me semble important de prendre le temps d’écrire quelques mots sur la manière dont le domaine de l’intelligence artificielle est traité dans la communication notamment. Pour être tout à fait franc avec vous, l’exercice m’est pénible tant on sait maintenant depuis longtemps que l’on base sa visibilité sur internet par des mots clefs, par opposition à la science où tous les mots sont clefs, et dont nous devrions nous rapprocher un peu plus.

Bref : aujourd’hui, je voulais vous partager quelques détails sur un véritable poncif. Dans ce que je lis ou écoute régulièrement, l’intelligence artificielle n’est pas un domaine traité sérieusement dans la communication. Ce ne serait pas ennuyeux si ce n’était un terreau fertile pour de mauvaises décisions stratégiques pour nos politiques et dirigeants d’entreprises, un terreau fertile pour beaucoup d’arnaques, ou tout simplement beaucoup d’énergie investie dans un mauvais marketing, et pas vraiment dans les progrès que peut apporter l’IA.

Tous ceux qui s’intéressent au domaine de l’IA ont intérêt à mener une réflexion en ce sens pour en tirer des bonnes pratiques qui éviteront beaucoup de peurs et déceptions inutiles.

Constat n°1 : on ne définit pas ce qu’est l’intelligence (artificielle). C’est tout bête et pourtant à ne pas définir l’IA dans un texte ou une prise de parole, on laisse alors libre au lecteur ou à l’auditeur de puiser dans les multiples définitions ou imaginaires existants. Si l’IA est un domaine défini comme les technologies du numérique qui permettent de réaliser les mêmes tâches qu’un être humain, alors un logiciel de comptabilité est de l’IA. Si l’IA est définie comme les déclinaisons de deep learning, plus de la moitié des projets que je vois passer ne sont pas basés sur des technologies d’IA. De plus, comment définit-on l’intelligence ?

J’en profite pour vous dire que les scientifiques mettent dans l’IA plusieurs approches au-delà du deep learning et des réseaux de neurones et vous donner ma vision des choses : l’ensemble des algorithmes d’IA utilisés étant pour la plupart empiriques, je pense que le terme d’« expérience artificielle » serait déjà plus proche de la réalité. C’est par exemple le cas des ChatGPTs et consorts qui établissent des prédictions de résultats à partir de l’expérience des grandes sources d’internet.
Ma recommandation : définir précisément les algorithmes que l’on sollicite dans les projets.

Constat n°2 – on personnifie l’intelligence artificielle. Je pense que c’est le pire vice de la communication autour de l’IA : absolument rien techniquement ne justifie que l’on utilise des formulations du type « elle va rédiger votre post pour vous » ou pire encore, lui prêter des émotions ou la même intelligence humaine que nous « l’IA peut se rendre de compte de ». Quand on remet les pieds sur Terre, l’IA s’incarne dans certains logiciels qui ont certaines fonctionnalités : reproduire/imiter des textes ou images, trier des données de la même manière qu’un jeu de données existant, prédire un comportement physique à partir d’un historique de mesures, voici quelques éléments plus proches de la réalité même si ces formulations sont criticables. Même à haut niveau, on peut noter une communication qui témoigne soit d’une méconnaissance du sujet soit d’un manque de rigueur, lorsque par exemple un des ministres de l’économie et des finances de ces sept dernières années qui témoigne s’adresser à ChatGPT comme à une personne : « Faites-moi un discours sur la Chine de Xi Jinping » ; « J’ai eu un discours assez intelligent, bien structuré, en exactement cinq minutes. », ce qui ne veut pas dire grand-chose. Les LLM puisant dans les discours déjà écrits, on pourrait au contraire s’inquiéter de trouver intelligent un discours a priori pas neuf. Dans tous les cas, la rigueur voudrait de préciser : peut-être son discours contenait des informations d’actualité ou à propos, peut-être était-il surpris de la cohérence du discours compte tenu de la rapidité d’exécution du logiciel. On ne recrute pas un spécialiste comme on achète un logiciel : pourquoi commettre cette erreur avec l’intelligence artificielle ?
Ma recommandation : parler d’outils, de logiciels basés sur des algorithmes d’intelligence artificielle.

Constat n°3 – on met en avant l’IA par-dessus la fonctionnalité. Je constate que des logiciels dont les fonctionnalités principales reposent sur des algorithmes d’IA qui fonctionnent bien abandonnent parfois le marketing de l’IA au profit du marketing de leur fonctionnalité. La traduction, la retranscription, les multiples applications d’analyse d’image pour la santé ou l’environnement par exemple sont ce que recherchent les utilisateurs finaux. Le recours à l’IA peut nous perdre dans la communication.
Ma recommandation : décrire en pesant chaque mots les fonctionnalités que l’on cherche à développer.

Constat n°4 – attribuer la valeur à l’IA alors qu’elle se situe ailleurs. Monter ex nihilo un projet d’intelligence artificielle implique de définir de manière actualisée les processus auxquels on souhaite l’appliquer ainsi que la description et la mesure de chaque phénomène que l’on analyse (jeux de données). C’est parfois davantage ce travail et la digitalisation du processus qui génère la valeur. Je pense par exemple aux projets d’IA du secteur de la construction qui s’attaquent à la conception des projets : les approches paramétriques préexistent à l’IA et permettent de résoudre bien des problèmes (contraints par des normes et/ou des limites physiques). Les approches d’IA peuvent alors servir à améliorer certaines performances ou appréhender le problème avec des sources de données différentes, ou ne sont parfois tout simplement pas pertinent.
Ma recommandation : ne pas sous-estimer la valeur d’une approche rigoureuse à la conception de solution numérique et surestimer la valeur de l’algorithme d’IA appliqué par-dessus cette première pile technologique.

Evidemment, il y a bien autres critiques, points de vigilances et d’amélioration à faire sur la communication responsable spécifique à l’intelligence artificielle. Nous travaillons et documentons ces aspects et nous efforçons d’appliquer ces bonnes pratiques en interne et auprès de nos clients. D’autre part, l’activité de recherche de mon collègue Pedro Gomes porte également sur les imaginaires autour de l’IA responsable, thématique intimement liée à celle de la communication.

Comme d’habitude, n’hésitez pas à nous contacter pour témoigner / étudier un projet potentiel. En ce deuxième trimestre 2024, et après avoir accompagné 3 consortiums, nous mettons particulièrement l’effort sur l’identification de cas d’usage d’IA matures au service de la transition écologique des territoires portée par les collectivités et les PME en particulier. Faites-vous connaître pour être intégrés à la démarche !

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