La gouvernance de l’IA pour les territoires
La gouvernance de l’ia pour les territoires Publié par Quentin Panissod le 13 juin 2025 ©Crédits photo : Jean-Sébastien Cailleux, ANPP, Morlaix Introduction La gouvernance de l’intelligence artificielle au sein des organisations est un sujet qui fait beaucoup couler d’encre. A l’occasion des Rencontres Techniques des Pôles territoriaux et des Pays sur l’IA, j’ai été invité à intervenir sur cette dernière. Car en effet, les opportunités et risques issus de la tendance de l’IA dépendent davantage des choix d’organisation des structures y ayant recours, et, par conséquent, de leurs choix de gouvernance. La gouvernance, soit l’art de gouverner, concerne l’ensemble des pratiques qui affectent l’exercice du pouvoir. Une bonne gouvernance assure que votre organisation satisfasse la mission qui lui est confiée, pour elle et toutes ses parties prenantes. Dès lors, l’utilisation de logiciels dotés d’IA entre les mains de salariés, d’agents, d’élus, de dirigeants, mais aussi la construction de grands data centers dans certains territoires, viennent perturber la gouvernance des organisations. Comment saisir ces nouvelles opportunités et résister aux nouvelles menaces ? Dans le cas des Rencontres Techniques des Pôles territoriaux et des Pays, nous nous intéresserons à la fois aux territoires dans leur ensemble mais aussi spécifiquement aux territoires de projets, comme défini ci-dessous. Définition d’un territoire de projet (Association Nationale des Pôles Territoriaux et des Pays) : Un Territoire de projet c’est : un espace géographique regroupant plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (en moyenne 4) autour d’un projet de territoire. Ce regroupement supra-communautaire permet d’instaurer un espace de dialogue, de concertation, de coordination des politiques publiques et de participation citoyenne. Il porte le projet de territoire pour le compte des EPCI membres, il est le support de la mise en œuvre des actions des politiques publiques locales, en lien avec les acteurs privés, associatifs, socio-professionnels et entrepreneurial. I. Pourquoi investir du temps dans la gouvernance de l’IA ? Voici 4 raisons concrètes qui témoignent d’enjeux impossibles à traiter sans travailler sa gouvernance de l’IA : Tout utilisateur d’un smartphone utilise l’IA au quotidien indirectement Il est dont sujet à de nombreuses influences sur l’exercice de ses pouvoirs. Tous les décideurs sont régulièrement démarchés ou touchés par des discours publicitaires sur des services basés sur des technologies d’IA Ils consacrent du temps à la lecture, l’écoute et l’analyse de ces propositions. Tous les acheteurs sont amenés à évaluer des logiciels ou matériel intégrant de l’IA Ils doivent donc être capables d’en comprendre et négocier les enjeux, en posant les bonnes questions alignées avec la stratégie de leur organisation. Tout utilisateur de l’IA a déjà été déçu par les résultats obtenus Comme pour toute innovation, certains résultats sont loin des promesses effectuées. Encore plus impactant, le Boston Consulting Group évaluait en 2024 que 74% des entreprises peinaient encore à obtenir de la valeur et passer l’IA à l’échelle, avec pour cause dans 70% des cas des problèmes relatifs aux enjeux humains et organisationnels ! Ce résultat est confirmé sur le cas de l’IA générative par une étude plus récente de la chaire FIT² (Mines – PSL) qui observe que les gains obtenus au sein de deux cabinets de conseil « sont complètement diffus et ne produisent pas de gain d’efficacité globale ». Il ne serait pas surprenant que ces ordres de grandeurs soient similaires dans le secteur public. Enfin, nos travaux de recherche menés par Pedro Gomes Lopes au sein du Centre de Recherche en Gestion (Ecole Polytechnique) ont permis d’identifier que les imaginaires socio-techniques de l’IA introduisent des tensions profondes dans les organisations : Entre attentes et faisabilité (« l’IA peut tout faire » vs. la réalité des besoins de transformation impliqués par un nouveau logiciel) Entre injonctions à innover et besoins réels du métier (« il faut se mettre à l’IA » vs. une majorité de besoins auxquels l’IA ne peut pas répondre) Entre imaginaires projetés et expériences vécues (déceptions lors de l’utilisation des assistants conversationnels, charge importante des projets managériaux et informatiques nécessaires pour l’IA…) Alors, pour éviter d’être freinés par les risques engendrés par tous les exemples précédents, créer sa stratégie IA avec un volet sur la gouvernance est essentiel. II. Quels résultats attendre d’une gouvernance de l’IA ? Si l’on revient simplement à la définition de la gouvernance, la mise en place d’une gouvernance de l’IA au sein de votre organisation revient à : d’une part, faire en sorte que votre organisation tire parti des opportunités de l’IA pour mieux remplir sa mission et satisfaire ses parties prenantes ; d’autre part, faire en sorte que votre mission ne soit pas freinée par les risques posés par le développement chaotique de l’IA. De manière très terre à terre, je suis convaincu qu’une bonne gouvernance de l’IA, c’est : Des économies de ressources Avec sa « boussole de l’IA », la métropole de Nantes clarifie ses choix en matière d’IA et un protocole est mis en place lors de l’émergence d’un projet. Ce dernier doit respecter 7 critères alignés avec la stratégie numérique responsable de la métropole, et une simple réunion avec les bonnes personnes s’appuyant sur ce document permet d’écarter les projets apparemment risqués ou non conformes et conserver les projets ayant du potentiel. Une meilleure adéquation avec les besoins réels des citoyens A Montpellier, la métropole a organisé une convention citoyenne de l’IA pour donner les moyens aux citoyens d’en comprendre les enjeux avant d’exprimer leurs attentes sur leurs sujets. Ce mode dont l’organisation peut demander un effort conséquent peut être décliné de manière plus légère, par exemple sous forme de Cafés de l’IA, une démarche ouverte initiée par le conseil national du numérique. Une meilleure adéquation avec les besoins réels des agents dans le public et des salariés dans le privé Par exemple, la MAIF a organisé une convention de trente salariés tirés au sort et a répondu par des engagements et des explications à l’intégralité de leurs propositions. A Nantes, un observatoire encourage les agents publics à témoigner de leurs usages de l’IA pour mieux identifier comment les encourager et les encadrer (pour lutter contre les pratiques de Shadow IT notamment – …
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